Bou-Saada au cœur de l'Art, au cœur de la Vie ... 

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Ali Foudili

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Carte de voeux 2004, Design de Ali Foudili

 Ali Foudili, "amulette pour l'exil et pour mon pays"

Grande est la solitude de l'artiste contemporain qui, dégagé des contraintes de la représentation et de la vraisemblance, dégagé des valeurs du beau, doit trouver de nouveaux moyens d'expression propres à exprimer la sensibilité de l'homme moderne.

Plus profonde, peut-être, est la solitude de l'artiste arabe puisque, tels ces précurseurs obligés qui ont défriché tant de chemins " auxquels KATEB YACINE rend hommage, il doit se démarquer de la culture occidentale pour trouver un langage plastique en accord avec son identité.

ALI FOUDILI nous donne à voir les bribes de la mémoire de sa propre tribu à travers un langage qui se cherche. Il travaille sur des supports variés : carton, toile de jute, affiches.....; il utilise toutes sortes de matériaux : encre, pastel, peinture acrylique, peinture de bâtiment, goudron... ; il insère des collages, des photocopies qu'il maquille et qui lui permettent de jouer avec des référents culturels variés. Et lorsqu'il parle de la composition, il affirme avec force l'importance de la bidimensionalité comme retour à l'essence de la culture arabo-musulmane.

ALI FOUDILI a choisi d'inscrire dans ses œuvres des lettres : le " ha ( ), le waou ( ), le sin ( )..., pour écrire " les nouvelles dictées qui meublent sa solitude ". La calligraphie permet, en effet, de par sa beauté, son élégance, de renouer avec un passé glorieux dont on peut être nostalgique. La calligraphie d'ALI FOUDILI ne se veut pourtant pas porteuse de sens. Elle est simplement geste ample, pleine de poésie, proche de la spontanéité qui caractérise une partie de l'art contemporain.

Il serait trop réducteur de classer cet artiste en calligraphe car sa réflexion sur l'art est de portée beaucoup plus générale. Son désir le plus cher serait de redonner à l'art décoratif ses lettres de noblesse. Fidèle à ses racines, il dérobe un petit peu à une tisseuse, un motif à une potière berbère ou à une tablette coranique et leur donne une place essentielle dans son travail. Ses couleurs, parfois vives et joyeuses, sont plus souvent ocres et chaudes comme la terre de la région de BOU-SAADA dont il est originaire. L'art décoratif ne peut donc être un art mineur comme c'est le cas en occident. Il trouve son rôle prédominant quand les motifs véhiculent les pensées les plus précieuses de la communauté, celles qui ont trait au sacré. C'est cette démarche complexe, entre tradition et modernité, Orient et Occident, qui nous fait apprécier le travail d'ALI FOUDILI. L'authenticité de cette quête s'inscrit dans une situation qui n'est pas toujours propice à la création. C'est là un autre mérite qu'il faut reconnaître.

FLORENCE KHAMMARI

Université de NANCY

Ali Foudili, "Songe d'Ibn Arabi"

Et ceux qui professent l'efficacité des "aspirations (ou énergies) spirituelles", ne cessent de se tenir sur leurs voies claires et précises jusqu'à ce que des panneaux annonciateurs brillent pour eux, portés par les mains des Esprits Supérieurs qui résident au Degré de la Proximité à la Station de la Parole Bouche-à-Bouche, panneaux sur lesquels des "Écritures" bien tracées et saintes se lèvent pour eux, comme "témoins" de la réalisation qu'ils ont obtenue, et leur confèrent le transfert de ce mode à un autre mode, par voie de sublimation. Alors le voile est enlevé, et ce qui avait été caché est mis à découvert! Alors est défait le bandeau, retiré le verrou, ouverte la serrure! Alors les "aspirations-énergies" propres à cet autre mode s'unifient pour scruter la Réalité Une, et l'être ne conçoit plus qu'une seule aspiration" et rien d'autre. De cette "aspiration" unique procèdent des influences qui portent effet sur la Réalité Pure.

Ibn 'Arabi, (Murcie, 1165 — Damas, 1240), "Le livre de l'extinction dans la contemplation (Kitab al fana' fi al muchahada)"

 

Arthur RIMBAUD

Le Bateau Ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentais plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands et de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'œil niais des falots !

Ali Foudili, "Le Bateau Ivre"

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelques fois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareilles aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux des panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instant.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombres aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabotteurs aux yeux blonds.
Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient couler à coups de trique
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future vigueur ? -

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
O que ma quille éclate ! O que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leurs sillages aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d'eau au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !