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El-Moudjahid
du 20 Août 1957: "L'ennemi n'a pas bien regardé Ben M'hidi"
Larbi
naquit en 1923 dans le douar El-Kaouahi, dans la région d'Ain-Mlila
(Constantine.) Il était l'un des rares Algériens à avoir poursuivi des études
secondaires, ce qui lui permit par la suite de travailler comme comptable au
service du Génie civil de Biskra. Influencé par les enseignements de Moubarek
el-Mili, et désireux d'approfondir ses connaissances culturelles et politiques,
il partit pour Constantine. Par la suite Ben M'hidi adhéra au Mouvement des
Amis du Manifeste et de la Liberté, et participa ainsi au congres de mars 1945.
Lors de la manifestation du 8 mai 1945, Ben M'hidi fut arrêté et incarcéré
dans la prison de Constantine. A sa libération, il reprit son activité révolutionnaire,
ne ménageant pas ses efforts pour éveiller les consciences à la cause
nationale en pratiquant notamment le théâtre engagé. Durant les années
cinquante, il quitta le Constantinois pour Alger puis Oran.
A l'issue de ce que l'ennemi appela le « complot de 1950 », la police de lança
à sa recherche. Il fut condamné par contumace à dix années de prison, dix
années d'exil, et à la privation de ses droits civiques pendants dix années.
Pour échapper à la police, Ben M'hidi dut changer sans cesse d'identité, ce
qui lui valut le surnom de l'Homme aux vingt visages.
En avril 1954, Ben M'hidi participa à la constitution du Comité Révolutionnaire
d'Unité et d'Action (CRUA) dont il devint l'un des 22 membres. Lors de la tenue
du congrès de cette instance à Alger, portant sur l'organisation politique et
militaire du pays, Ben M'hidi est nommé à la tête de la région de l'Ouest.
Partisan du travail sur le terrain, il était l'exemple type de l'homme
politique actif. En plus de sa qualité de théoricien de la révolution, il était
omniprésent, organisant les hommes, distribuant les tâches, fixant les
objectifs...
Durant les années 1955 et 1956, Ben M'hidi partit pour le Maroc et pour Le
Caire en tant qu'émissaire de la révolution algérienne. Son activité s'étendait
au journalisme militant en tant que membre actif de la rédaction d'El
Moudjahid. Ses nombreux articles et analyses constituent aujourd'hui de précieux
documents pour la compréhension de la révolution algérienne.
Il représente l'Oranie au Congrès de la Soummam (20 août 1956), dont il préside
la première réunion. A l'issue du congrès, il est élevé au grade de
colonel, nommé au Comité de coordination et d'exécution et se voit confier la
zone d'Alger. Dès le début, il oeuvra à la consolidation des groupes de
fedayins, au renforcement de la conscience politique des responsables locaux et
à l'organisation du réseau des bombes.
Plusieurs réunions eurent ainsi lieu à la Casbah dans lesquelles Ben M'hidi répétait
sans cesse: «Il faut que l'Algérie devienne un deuxième Diên Biên Phu. »
Il affirmait aussi: « Mettez la Révolution dans la rue et vous la verrez
reprise et portée par douze millions d'hommes. » C'est dans cet esprit
d'ailleurs qu'il fut l'un des principaux initiateurs de la fameuse « grève générale
des huit jours » en janvier 1957.
Le 23 février 1957, Larbi Ben M'hidi est arrêté par les hommes de Bigeart
dans un appartement de l'avenue Claude-Debussy, où il se trouvait de passage.
Dans une conférence de presse donnée le 6 mars, le porte-parole du
gouvernement général déclare: « Ben M'hidi s'est suicidé dans sa cellule en
se pendant à l'aide de lambeaux de sa chemise. » Il s'agissait en fait d'une
mascarade, visant à dissimuler son assassinat par des tortionnaires dans la
nuit du 3 au 4 mars 1957.
Le 20 août 1957, le journal El-Moudjahid lui rendit hommage en ces termes: « L'ennemi
n'a pas bien regardé Ben M'hidi. Il eût compris la vanité de cette torture,
l'impossibilité d'ébranler ce révolutionnaire pendant des jours et des nuits.
Ben M'hidi fut atrocement torturé. Toutes les inventions françaises, toutes
les techniques sadiques des tortionnaires lui furent appliquées. Le corps de
Ben M'hidi meurtri, cassé et disloqué, s'est écroulé mais nous savons
aujourd'hui que sa dignité intacte, son courage et son énergie inébranlables
remplirent de honte l'ennemi. »
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