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COLLOQUE
INTERNATIONAL CONSACRE A FRANTZ FANON ALGER,
SEPTEMBRE 2004
Info Soir 21
septembre 2004
Entretien avec Olivier Fanon
«Je suis attaché à l’Algérie»
InfoSoir : Vous êtes
le fils de Frantz Fanon. N’est-ce pas là un nom lourd à porter ?
Olivier Fanon : Oui, c’est un héritage très lourd et pesant
à assurer. C’est un héritage de tous les instants. Je m’appelle
Fanon, le jour comme la nuit. C’est une présence quotidienne pas que
pour son fils, mais pour tous les Algériens. Je fais en sorte de ne pas
décevoir la mémoire et l’engagement de mon père. J’essaie d’être
à la hauteur de toutes les situations et modestement, j’essaie de
perpétuer son combat et sa fidélité à la Révolution algérienne.
De quelle manière ?
Tout d’abord en ne travestissant pas, comme tout Algérien, notre
attachement, celui de mon père et de ma mère, à l’Algérie, en
essayant aujourd’hui d’être reconnaissant à ce pays qui a fait de
nous ce que nous sommes. Je parle de ma génération. Je vis à Paris et
je travaille à l’ambassade d’Algérie dans les affaires
consulaires. Je suis encore dans la démarche idéologique et
professionnelle de mon père. Je suis attaché à l’Algérie : je ne
peux pas concevoir un seul instant d’être Algérien sans renvoyer
l’ascenseur à l’Algérie, à ce pays qui a adopté mon père, et
que lui-même a adopté en rompant totalement avec la puissance
coloniale française en démissionnant de son poste à l’hôpital de
Blida. Moi, je dis modestement que j’essaie d’être à la hauteur
des ambitions de l’œuvre de Fanon.
Comment gérez-vous la pensée de votre père ?
Je ne peux pas gérer la pensée de mon père, parce que je ne suis que
l’enfant biologique de Fanon, je ne suis ni chercheur ni psychiatre.
J’ai fait des études supérieures en sciences politiques. Je suis
fonctionnaire à l’ambassade d’Algérie, mais je ne suis pas un spécialiste
de Fanon, tout ce que je peux faire, c’est apporter ma contribution
sur Fanon en tant que citoyen algérien, enfant de la Révolution. Le
discours que je tiens, je pense que d’autres — ceux de ma génération
— tiendraient le même. C’est-à-dire qu’on a été pétris dans
l’idée révolutionnaire de l’Algérie.
Comment expliquer l’attachement de Fanon à l’Algérie ?
L’Algérie a été pour lui un catalyseur, un révélateur de ses réflexions.
Ça devait sommeiller quelque part en lui, et il a trouvé les moyens
d’extérioriser sa pensée. En fait, il a eu l’écho de sa pensée :
il a trouvé des gens qui pensent comme lui et qui partagent les mêmes
idéaux et les mêmes intentions révolutionnaires.
La pensée de Frantz Fanon est-elle d’actualité ?
En effet, la pensée de mon père n’est que plus d’actualité à
partir du moment où il y a une aliénation, une colonisation des
esprits. La France a réussi à nous coloniser, et 50 ans après, il y a
des esprits qui sont encore colonisés. C’est une réalité : il y a
beaucoup d’Algériens qui ne pensent et n’aspirent qu’à partir.
Des individus qui sont des non-êtres. L’on peut appliquer la pensée
de Fanon dans la mesure où l’on devrait faire un travail sur une
approche différente de la société algérienne, de la place de l’Algérie
dans le concert des nations.
En quoi la pensée de Fanon peut-elle servir, aujourd’hui, à
l’Algérie ?
L’Algérie n’est plus en révolution, elle est cependant révolutionnaire.
Et la pensée de Fanon peut encore servir à l’Algérie puisque le
pays est dans un combat de tous les instants. Il y a un objectif
primordial : la reconnaissance humaine, le respect de l’homme. Puisque
les écrits de Fanon révèlent une grande humanité. Lorsque l’homme,
en tant qu’individu, sera respecté, alors là on pourra discuter,
mais dans le cas contraire, tant qu’il y aura une négation des droits
de l’Homme, l’on ne pourra pas discuter dans le respect de la différence.
Y a-t-il une fondation Frantz-Fanon pour la pérennité de sa mémoire
?
Il n’y a pas une fondation, mais l’idée a été lancée par des
amis à moi. Je ne suis pas contre, mais je ne veux pas être à
l’origine de la création de cette fondation. Le nom de Fanon n’est
pas un fonds de commerce, c’était un théoricien, un écrivain, un
penseur. Je soutiens vivement l’idée de la fondation, mais je ne veux
pas être à l’origine de ce projet. Je ne suis pas en mesure de défendre
la pensée psychiatrique de Fanon, je ne peux pas tenir une discussion
avec un psychiatre, il faut laisser les choses juste à leur niveau, et
puis que chacun se cantonne dans son rôle. Mon rôle à moi est que je
suis le fils de Fanon et je ne veux aller au delà.
Propos recueillis par Yacine Idjer
L'Expression 16
septembre 2004
Fanon au centre des débats
Il s’est consacré, sa vie durant, au service de la guerre de Libération
nationale.
On le dit révolutionnaire, on le découvre
homme de lettres ; on le dit politique, on découvre en lui le médecin,
l’humaniste et, par-dessus le marché, défenseur des droits des
peuples opprimés. Lui, c’est Frantz Fanon, celui qui s’est consacré,
sa vie durant, au service de la guerre de Libération nationale. Et ce
n’est pas l’effet du hasard si la 9e édition du Salon international
du livre lui a consacré un colloque de trois jours. Avant-hier, mardi,
un café littéraire a été même organisé à son honneur pour parler
de sa vie, de son oeuvre, mais aussi pour comparer sa position vis-à-vis
de l’indépendance de l’Algérie, idée qui lui a été si chère et
qu’il n’a cessé de défendre jusqu’à son dernier souffle.
Pour ce faire, quatre intellectuels et
peut-être des meilleurs, se sont mis à l’oeuvre. On cite: Mustapha
Haddab, sociologue; Alice Cherki, psychanalyste; Mohamed Lakhdar
Maougal, linguiste et Thanina Maougal, enseignante à l’université
d’Alger.
Mustapha Haddab a développé le thème
central de l’oeuvre de Fanon: la violence. Ce phénomène qui a fait,
et pour longtemps, l’objet d’un intérêt particulier chez Frantz
Fanon, comme psychiatre tout d’abord puis comme révolutionnaire.
Parfois, ces deux «fonctions» fusionnent chez Fanon et deviennent une
et indivisible. Car le complexe d’infériorité ressenti par les indigènes
vis-à-vis des colons a fait naître chez eux un certain esprit de rébellion
contre l’injustice et l’oppression. C’est à partir de cette idée
même que les premiers germes de la violence «légitime» commence à
surgir chez ces peuples. Ce thème a été développé, selon Mustapha
Haddab, dans son oeuvre magistrale Peau noire, masque blanc. C’est
dans ce sens même qu’a enchaîné la célèbre psychanalyste française,
Alice Cherki. «Le regard du blanc donne une image de soi telle qu’il
la voit, c’est-à-dire celle d’un adolescent noir. Ce Blanc, ce
dominateur qui nous regarde, qui nous façonne. Soit n’être plus rien
ou être sidéré, le corps reste en pierre tout en étant accompagné
d’un sentiment de culpabilité». C’est en ces mots que l’oratrice
a tenté de faire la caricature de la pensée de Frantz Fanon. Lui qui a
tant souffert de ce sentiment de culpabilité, d’abord pour des considérations
raciales, de fait que Fanon soit «noir»; pour des raisons en rapport
avec la domination coloniale ensuite. Deux raisons capitales qui ont déterminé
le chemin de Frantz Fanon. Celui de lutter contre toutes les formes de
l’autoritarisme colonial et racial. Aussi, Alice Cherki a longtemps
parlé du parcours de cet éminent intellectuel. Cependant, toute sa
force humaine et révolutionnaire s’est confirmée et concrétisée en
1953, lorsqu’il arrive à l’asile psychiatrique de Blida
(ex-Joinville). Là, le traitement des patients n’a pas du tout été
conforme aux méthodes telles qu’exercées en Europe ou ailleurs. Et
c’est là même qu’il procède à l’application de la psychothérapie
institutionnelle, une psychothérapie genre académique. Alice Cherki a
souligné que c’est Fanon qui a eu l’insigne honneur de créer l’hôpital
du jour au niveau de l’Afrique, du monde arabe voire même de
l’Europe!
Quant à Thanina et Mohamed Lakhdar
Maougal, ils ont fait une comparaison entre la pensée d’Albert Camus
et celle de Frantz Fanon, deux intellectuels dont l’idée est diamétralement
opposée, pourtant leurs destins demeurent à jamais liés à celui de
l’Algérie. «Chez Camus on retrouve cette influence américaine,
quoiqu’elle demeure latente. Cette influence s’affirme en sachant
que l’auteur de l’Etranger est attiré par les écrits de Faulkner.
Et c’est à partir de là qu’il adopte le modèle américain, le fédéralisme»,
soutient Thanina Maougal. Mohamed Lakhdar a, de son côté, parlé de la
conception de l’identité chez Fanon. «Il s’agit de
l’identification par stratification. Autrement dit, c’est la
construction de l’identité par la rupture et non par des sédimentations».
Hakim KATEB
La Nouvelle République
15 septembre 2004
Toute la vérité sur la dépouille de Fanon
Dans un testament écrit, Frantz Fanon avait fait vœu d’être enterré
en Algérie avec ses frères d’armes, les chouhada. Il décède aux
Etats-Unis le 6 décembre 1961 à l’âge de 36 ans des suites d’une
leucémie. La dépouille de Fanon arrivera de Washington, le 11 décembre
1961, à l’aéroport d’ El Aouina de Tunis, où il lui sera rendu un
hommage par la «délégation extérieure» au grand complet, avec à sa
tête le ministre de la Défense du GPRA, Krim Belkacem.
Le lendemain, une cérémonie de
recueillement aura lieu à l’hôpital Charles-Nicole où Fanon avait
longuement exercé. Ensuite, le cortège funèbre se dirige vers
Ghardimaou, à la frontière algéro-tunisienne. Le 12 décembre, il est
enterré dans la forêt de Sifana (non loin de la localité de Aïn
Soltane, aujourd’hui territoire tunisien), à côté de quatre autres
martyrs de la Révolution.
C’est Ali Mendjeli qui fera l’oraison
funèbre en présence d’un envoyé spécial du gouvernement américain,
d’un représentant du Croissant-Rouge, des époux Chaulet, du Dr
Nekkache, Omar Oussedik, Zerguini, Mostefaoui, Keramane… En 1965, à
la suite du bornage de la frontière avec la Tunisie, les cendres de
Fanon sont rapatriées une nouvelle fois en Algérie, au cimetière de Aïn
Kerma, dans la wilaya d’El Tarf, où il repose pour toujours.
A la fin des années 1960, des indépendantistes
martiniquais, à leur tête le frère aîné de Fanon, Joby (décédé
il y a trois mois), entament une démarche en direction du gouvernement
algérien par le biais de Salah Louanchi et de Mohamed-Chérif Messaâdia
afin de rapatrier les cendres du penseur noir aux Antilles. Le pouvoir
de l’époque ainsi que son épouse Josie opposeront une fin de
non-recevoir arguant des dernières volontés du grand homme disparu.
En 1978, quelques mois avant sa mort, le
président Houari Boumediène propose à Josie Fanon une inhumation en
grande pompe au carré des martyrs d’El Alia. Il essuiera alors à son
tour un «niet catégorique» de la part de sa veuve quelque peu aigrie
par la tournure des évènements dans cette Algérie post-coloniale.
Juste avant sa disparition tragique, Josie Fanon avait exprimé à son
fils Olivier le vœu d’être enterrée à sa mort au cimetière algérois
d’El Kettar, non loin de La Casbah.
Des démarches officielles seront même
entreprises en ce sens mais sans résultat. La population d’El Tarf se
refusant à toute idée de transfert de la dépouille de Frantz Fanon et
ce jusqu’à ce jour.
A. Abdelghafour
La Nouvelle République
15 septembre 2004
Entretien avec Mohamed El Mili
«Frantz Fanon m’a aidé»
Rencontré au colloque sur Frantz Fanon, Mohamed El Mili s’est
rappelé avec beaucoup d’émotion des jours passés en compagnie de
l’auteur des Damnés de la terre.
La Nouvelle République : Un intervenant a prétendu que Fanon s’était
posé la question du «Qui suis-je ?» Qu’en pensez-vous ?
Mohamed El Mili : Il est vrai que Fanon ne cessait de se poser
des tas de questions. Il s’interrogeait sans cesse. Il se remettait en
question tous les jours. Cela dit, je m’inscris en faux contre cette
affirmation : Fanon a toujours su qui il était !
Comment avez-vous connu Fanon ?
J’ai eu la chance de connaître de près Fanon. Au moment où il avait
rejoint la Révolution à Tunis en 1957, j’étais déjà membre de
l’équipe rédactionnelle de Résistance algérienne dont le rédacteur
en chef était alors Abderrezek Chentouf. En juin de la même année,
Benyoucef Benkhedda nous convoque Fanon et moi en nous demandant de
rejoindre Tétouan, au nord du Maroc. Le CCE avait décidé de mettre
fin à Résistance algérienne afin de créer El Moudjahid, l’organe
central du FLN. Arrivés à Tétouan, où se trouvaient déjà
d’autres membres de la rédaction, on nous logea immédiatement dans
une villa qui servait également de siège au journal. Fanon et moi
partagions la même chambre.
Vous l’avez connu donc de très près ?
Oui, je peux le dire. On a vécu ensemble durant plus de trois mois.
Parlez-nous de Fanon ?
Il dormait peu et lisait beaucoup. Lorsque nous nous reposions, il nous
faisait parfois des lectures de textes révolutionnaires. Il les
commentait en apportant sa touche personnelle. Je dois avouer que durant
toute la guerre de Libération je n’ai pas connu de militants aussi
sincères que Frantz Fanon et Abane Ramdane, notre chef. Comme je dois
dire que j’ai retrouvé aussi certaines idées de Abane Ramdane dans
Les Damnés de la terre. Il faut reconnaître que ce dernier a toujours
prôné un combat tiers-mondiste et ce bien avant l’heure.
Que vous a apporté le fait de vous être frotté à ce grand homme ?
Son apport est pour moi incommensurable. Sur le plan personnel, il m’a
aidé à mieux me connaître et à saisir mon temps ainsi que le monde
dans lequel je me trouvais.
Propos recueillis par A. A.
Liberté 15
septembre 2004
“Son œuvre est un antidote pour les Palestiniens et
les Irakiens”
Par Wahiba Labrèche
Ils sont venus nombreux témoigner d’une amitié, d’un combat
commun mené pour une Algérie libre et indépendante. Deux jours de
souvenir et d’émotion pour rendre hommage au penseur et visionnaire
qu’était Frantz Fanon.
Les travaux du colloque, tenus pendant
deux jours à l’hôtel Hilton et qui se sont poursuivis hier à la
Safex, ont été marqués par les interventions de Pierre et Claudine
Chaulet. Le couple est revenu sur la rencontre avec le psychiatre
militant de la cause algérienne. “En février 1955, Abane Ramdane est
venu me demander de trouver un psychiatre pour suivre le cas des
moudjahidine qui risquaient de parler sous la torture. Et c’est à
partir de là que j’ai connu Frantz Fanon qui a hébergé également
des malades à l’hôpital de Blida”, dira Pierre Chaulet qui évoquera
un homme resté éternellement jeune par ses écrits.
En psychiatrie, Fanon explorait de
nouvelles voies dans la discipline. “C’est une bonne initiative
d’organiser ce colloque. Depuis l’indépendance en 1962, il a fallu
attendre plus de vingt ans, en 1987, pour qu’on organise un colloque
sur Frantz Fanon qui retombera vite dans l’oubli pendant vingt années
encore. Si les jeunes d’aujourd’hui ne connaissent pas Fanon,
c’est le résultat de l’occultation dont il a été victime. Il
disait des choses qui dérangeaient. Il ne faut pas isoler l’œuvre de
Fanon du contexte de la guerre de libération.” Selon le conférencier,
Les Damnés de la terre reste un message toujours d’actualité du
psychiatre et du militant. Pour Claudine Chaulet, le meilleur hommage
qu’on puisse rendre à Frantz Fanon serait de rééditer ses livres
afin que les jeunes générations prennent connaissance de l’œuvre.
“Ce colloque devrait être un lancement publicitaire pour la lecture
de Fanon et non un second enterrement”, conclut Claudine Chaulet qui a
apporté un témoignage poignant sur sa rencontre et ses souvenirs du
couple Fanon. Les témoignages se sont poursuivis par l’intervention
de Jacques Charby, qui trouvera en ce colloque une occasion de
rencontrer des amis de la guerre de libération. D’emblée Charby, écrivain
et ami de l’Algérie, insistera sur l’importance et la qualité du
texte de la lettre de démission de Fanon adressée à Lacoste : “On
devrait se pencher sur ce texte qui, à mon point de vue, est un texte
de grande qualité littéraire. Dans sa lettre, Fanon explique les
raisons qui l’ont poussé à la démission. Il apporte également un témoignage
sur tout ce qu’il a pu voir lors de son exercice.” Jacques Charby
complètera sa communication en rapportant sa propre expérience dans
les camps des réfugiés algériens en Tunisie, au Maroc et en Libye. De
leur côté Hervé Bourges et la psychanalyste Alice Cherki témoigneront
de l’apport de Frantz Fanon à la psychiatrie moderne. “En plus de
l’image de l’individu, Fanon s’intéressait à l’image de la
société. Son analyse était portée sur l’aliénation culturelle,
religieuse, idéologique et linguistique”, dira Hervé Bourges. Alice
Cherki, auteur en 2000 de Frantz Fanon, portrait, aux éditions du
Seuil, et qui a préfacé la réédition des Damnés de la terre, a
rencontré Fanon en 1955.
Elle témoigne d’un Fanon acharné dans
son travail. “Si Fanon a prôné la violence, c’est parce que dans
la société il n’y avait pas de place au dialogue, et que la violence
avait commencé depuis longtemps par ceux qui étaient de culture
dominante”, conclura Alice Cherki.
W. L.
Liberté 15
septembre 2004
Daniel Maximin, poète romancier, parle de Frantz
Fanon
“Son engagement venait du racisme qu’il a connu”
Par Wahiba Labrèche
Daniel Maximin, poète et romancier guadeloupéen, présent au 9e
Sila pour la signature de son roman “Tu, c’est l’enfance et Je,
c’est maintenant”, sorti chez Gallimard, n’a pas hésité lors du
colloque sur Frantz Fanon d’apporter son témoignage sur un homme avec
qui il n’a aucun lien si ce n’est l’amour de la liberté et de la
justice.
Liberté : Vous avez tenu à apporter un témoignage passionné sur
Frantz Fanon, alors que vous n’étiez même pas programmé…
Daniel Maximin : Ma rencontre avec Frantz Fanon remonte à
l’enfance. Tout petit, je suis tombé dans ses feuilles et dans ses
pages que mes parents avaient achetés. C’était pour moi la découverte
de l’écrivain.
Comment peut-on expliquer l’itinéraire de Frantz Fanon ?
L’itinéraire de Frantz Fanon est parti des Antilles, c’est de là
qu’est parti son élan, mais cela ne veut pas dire qu’il s’en est
enfermé. Et quand je dis les Antilles, cela veut dire plusieurs choses,
notamment l’histoire qu’il vivait au moment de son adolescence et
les influences, l’héritage qu’il a eu à partir de cela et qu’on
peut schématiser. Il y a premièrement une chose qui consiste à lutter
contre tous ceux qui prennent l’homme pour un objet, qui tentent de
l’enfermer dans une peau, une histoire, une frontière, etc. Donc
cette dimension d’universalité des combats vient aussi de là.
Comme l’esclavage…
Exactement, l’esclave qui luttait contre l’esclavage ne luttait pas
seulement contre l’esclavage des Noirs, des Jaunes ou des Blancs, mais
contre le principe même de l’esclavage puisque cette ségrégation était
universelle, et les luttes étaient menées aussi bien aux Antilles, aux
Caraïbes qu’en Amérique ou à Haïti. Et Fanon vient directement de
cela.
Autre chose aussi, c’est au moment de son adolescence que Fanon a découvert
tout petit — il était encore en classe —, alors qu’il pensait que
l’esclavage était révolu après son abolition en 1848, un autre fléau,
le racisme et le retour de la séparation, de l’interdiction de la
citoyenneté pour les Noirs. Par exemple, les maires noirs élus sont
destitués en 1941 à cause de leur couleur de peau et remplacés par
des colons. Tout cela se passe en plein XXe siècle de la Martinique et
de la Guadeloupe libérée.
Alors, la résistance de Fanon a commencé à l’adolescence…
Fanon assiste à cette régression, et immédiatement face à cela, il découvre
une résistance qui se trame au grand lycée de Fort-de-France où se
trouvent ses professeurs Emme Césaire, René Ménil, Susanne Césaire,
des combattants de la résistance culturelle, politique, identitaire
internationalistes.
C’est surtout à travers leurs écrits comme Le Cahier d’un retour
au pays natal d’Emme Césaire, paru dans une petite revue clandestine
que Fanon, âgé de 15, va puiser ses forces et épouser cette doctrine
qui dit : “Que partout où l’ombre gagne, nous sommes concernés par
ces combats.” Ce texte était l’éditorial de la revue que Fanon a
distribuée. Ceci explique que Fanon, quel que soit l’endroit où il
se trouve, était nourri de cette première révolte, et s’il a lutté
contre le nazisme en France, il s’est aussi engagé aux côtés des
Algériens parce qu’il se sentait concerné.
Une Algérie qui sera un point déterminant dans le combat de
Fanon…
Oui, c’est comme ça qu’il devient algérien et que son histoire et
son origine expliquent cet engagement.
Le troisième point, c’est la notion même de cette dimension que les
professeurs lui ont inculquée, et qui passe par la création pour toute
expression de liberté. Ce n’est pas la répétition d’un héritage
ou la répétition de ce qu’on est, mais il faut produire, et c’est
la grande phrase qui revient sur toutes les affiches dans ce salon. Mais
il faut produire sa culture dans laquelle on peut s’identifier.
Produire dans le sens d’inventer, cela ne veut pas dire reproduire la
culture des parents, des ancêtres et l’identité d’avant, mais cela
veut dire produire pour avancer, forcément en liaison avec le moment et
l’endroit où on se trouve. Pour Fanon, c’était l’Algérie.
W. L.
Le Soir d'Algérie
14 septembre 2004
Le penseur visionnaire à l'honneur
Ce sont des messages d’amour et de souvenirs que les participants ont
consacrés à Frantz Fanon tout au long des deux journées qui ont eu
lieu les 12 et 13 septembre derniers à l’hôtel Hilton. Rédha Malek,
en premier, a offert son témoignage du parcours de celui qui a choisi
l’Algérie comme sa nation de cœur et la cause profonde de son
engagement vis-à-vis de la liberté absolue des hommes.
Loin des discours académiques habituels,
Rédha Malek a préféré invoquer les souvenirs qu’il garde de Fanon.
De lui, il dira : “Fanon était un révolutionnaire, il faisait partie
des forces libres venues des Antilles. Il avait constaté certaines réactions,
une sorte d’exclusivisme des noirs, son premier choc avec le monde extérieur,
ce qui a sans conteste déterminé son combat et sa lutte contre le
racisme.
Fanon avait été frappé par le mal dont
souffrait ces personnes, en particulier les ouvriers “le syndrome nord
africain”. Voilà comment était la vie de Fanon, entre lutte
permanente et acharnement en permanence contre les forces du mal. Celles
qui opprimaient pour mieux asservir le peuple algérien. Se sont ensuite
succédé sur l’autel des mémoires les époux Chaulet.
C’est avec passion que Claudine et
Pierre ont exprimé leurs sentiments vis-à-vis du héros Frantz.
Cependant, Jacques Vergès aura été probablement le seul à plaider
avec force et vigueur la cause de Frantz Fanon. Liant de ce fait
l’actualité violente qui sévit de nos jours et de par le monde, Me
Vergès rappellera que, dans ces affreuses circonstances, Frantz Fanon
se serait érigé sans concession au monopole des Etats-Unis, contre les
injustices commises à l’égard des peuples colonisés tels que les
Irakiens.
A tort ou à raison, nous avons en tout
cas régulièrement entendu parler tout au long de cet hommage du droit
à la légitime défense ! Défendre sa personne, sa liberté, son
espace vital et son pays en l’occurrence. Tel était la vocation de
Frantz Fanon. Hervé Bourges, Djaghloul Abdelkader, Lyes Boukraâ et
tous les autres ont aussi manifesté à travers leurs interventions du
parcours et des valeurs de l’éminent psychiatre.
De Fanon l’Algérien qui avait souhaité
être enterré dans un cimetière à la frontière algéro-tunisienne
auprès de ses frères chouhada dans le carré réservé aux martyrs
dans un village près de Aïn El Kerma, Alice Cherki le désigne comme
“l’éveilleur”, comme d’autres le surnomment “le penseur
visionnaire” ou encore à l’image de Boukhalfa Amazit qui le considère
comme le “psychanalyste du colonialisme”. Frantz Fanon, c’est ça
et bien plus, mais c’est avant tout le veto que l’on oppose sans
autre forme de réflexion à l’esprit sectaire et au mimétisme.
Cet agent d’aliénation qui obstrue en
permanence la vision d’un avenir librement façonné. Quant à
Olivier, son unique enfant, présent depuis le début au Sila, il est très
ému par les témoignages reçus à l’occasion de ce colloque. Il nous
parlera avec émotion des rares souvenirs qu’il garde de son père :
c’était un homme partagé entre les maquis et les souffrances des
malades. Olivier n’a pas réellement connu son père, c’est à
travers le récit de sa mère Josie et des livres laissés en héritage
qu’il découvre la dimension universelle du choix de Frantz Fanon.
Humble et modeste, Olivier a également
revendiqué le choix de sa nationalité par l’amour qu’il a pour
l’Algérie et ensuite dans un devoir de continuité du combat mené
par son père durant sa courte vie. Frantz Fanon est mort en 1961 à
l’âge de 36 ans, terrassé par une leucémie.
Sam.H
La Nouvelle République
14 septembre 2004
Des témoignages et autres
Le colloque international consacré à Frantz Fanon en marge de la 9e
édition du salon international du livre en Algérie (SILA) s’est
ouvert ce dimanche en présence de nombreuses personnalités.
Dans son allocution d’ouverture,
Abdelkader Khomri, président du comité d’organisation du 9e SILA a
mis en exergue la dimension internationale de la révolution algérienne
dont Frantz Fanon aura été, incontestablement, un des plus illustres hérauts.
La lecture du message du président de la
république, Abdelaziz Bouteflika, fera ressortir la conception de la
liberté chez Fanon qui consiste essentiellement en un «refus du mimétisme».
Puis, viendra le tour d’Olivier Fanon
d’apporter son témoignage de «rejeton». Fidèle à la mémoire de
son père et quelque peu «écrasé» par sa grande notoriété, Olivier
Fanon affirmera d’emblée son algérianité en déclarant : «Je suis
algérien et je travaille pour l’Algérie en France.». Fonctionnaire
à l’ambassade d’Algérie à Paris, Olivier Fanon n’arrive pas à
se départir de ses fortes attaches avec le pays de son enfance, la
terre d’adoption de son illustre père.
Ensuite, Rédha Malek évoquera le
passage de Fanon le journaliste-militant à El-Moudjahid considéré à
l’époque comme la voix de l’Algérie libre.
Dans son intervention, Réda Malek
rappellera l’humanisme de la révolution algérienne dont la lutte armée
n’a pas toujours été un «terrorisme aveugle» tel que nous le
subissons de nos jour. Et puis, viendra le tour des époux Chaulet, de véritables
amis de Frantz Fanon, et des compagnons de route de la révolution algérienne
de décliner enfin les différentes péripéties vécues ici et là.
Le professeur Pierre Chaulet (que l’on
peut considérer noir sur blanc ( !) comme le véritable «recruteur»
de Fanon) a évoqué la démission du psychiatre de l’hôpital de
Blida et son ralliement à la révolution algérienne. Il ne manquera
pas de révéler à la fin de son intervention les crimes abominables de
la colonisation française dont le savoir-faire a été exporté aux Amériques
en Israël. La répression antiguérilla aurait été enseignée ainsi
aux antipodes sur ordre du gouvernement français notamment de Pierre
Messmer. Quant à Claudine Chaulet, elle se souviendra des agréables
moments passés entre les jeunes couples d’intellectuels à Blida à
un «réinterpréter le monde». Elle évoquera non sans émotions,
Josie Fanon, l’épouse et la mère de famille.
Les époux Chaulet auront connu ainsi
Olivier alors un petit bambin de quelques mois devenu aujourd’hui un
quinquagénaire. Puis, ce sera ensuite le tour de Jacques Chabry, auteur
d’un livre à paraître Les Porteurs d’espoir sur le réseau
Jeanson, de se rappeler de ses rencontres avec Fanon et de tous ces
orphelins de la guerre (enfants de chouhada) qu’il avait rencontrés
à Tunis. Et de s’interroger ensuite si leur mémoire gardait de cette
période tragique des souvenirs douloureux encore vivaces.
Et c’est alors que surviendront les
interventions de Hervé Bourges et du Me Jacques Vergès dont la présence
au colloque aura paru, semble-t-il, comme incongrue dont la mesure où
leurs chemins n’ont jamais croisé celui de Fanon.
Ils le reconnaîtront d’emblée en
affirmant toute leur admiration pour l’auteur des Damnés de la terre.
A. Abdelghafour
La Nouvelle République
14 septembre 2004
Souvenirs
Fanon, ou le briseur de chaîne
En rendant hommage à Frantz Fanon, un patriote algérien venu
d’ailleurs, les organisateurs du 9e Salon international du livre en
Algérie ont remis à l’honneur l’internationalisme qui a entouré
la lutte pour l’indépendance nationale. Comme d’autres «étrangers»
militants de la cause algérienne, Frantz Fanon a d’abord participé
au combat anti-nazi, dans les rangs des Forces françaises libres, alors
qu’il n’avait pas encore vingt ans. C’est, ensuite, au contact
d’un antifasciste espagnol, le docteur Tosquelles, réfugié en
France, que Frantz Fanon, devenu médecin spécialisé en psychiatrie,
s’initie à la méthode de la sociothérapie qu’il mettra en œuvre
à l’hôpital de Joinville, à Blida, qu’il rejoignit en décembre
1953.
Selon le témoignage des frères Longo,
Makhlouf et Ali, infirmiers à l’hôpital de Joinville, à l’époque,
Frantz Fanon découvre, en arrivant, un asile d’aliénés soumis
encore au code de l’indigénat. De ce véritable enfer montaient les
hurlements de malades enchaînés, étroitement gardés par des
infirmiers malabars. Les deux infirmiers, aujourd’hui disparus,
avaient témoigné de cette grande révolution que fut le bal organisé
par le nouveau médecin. A l’initiative audacieuse de Frantz Fanon,
les chaînes furent jetées à la poubelle et les malades sont redevenus
libres de leurs gestes. L’ergothérapie (la guérison par la pratique
de métiers) et la sociothérapie (la guérison par les activités
sociales) prenaient la place des pratiques moyennageuses qui étaient en
cours à l’hôpital. Celui-ci perdait alors ses allures de prison et
les malades recouvraient le droit à la parole en participant à des réunions
avec les médecins et le personnel paramédical. Fanon avait placé le
malade au centre de toutes les activités de l’hôpital et tout était
fait dans son intérêt. Expulsé d’Algérie, il part en Tunisie avec
sa femme, Josie, et son fils, Olivier, âgé alors d’un an et demi. Le
Dr Fanon est mort le 6 décembre 1961 à l’hôpital de Bethesda aux
Etats-Unis, des suites d’une leucémie.
Charles Geronimi, un autre patriote algérien
au nom étranger, a eu à insister sur le fait que «Fanon était
d’abord psychiatre, il s’est toujours voulu psychiatre». C’est
pourquoi, on ne peut pas organiser un hommage à Fanon sans faire un
tour à l’hôpital psychiatrique de Blida qui porte depuis l’indépendance
son nom et où, au contact des malades, il découvrit le drame algérien
et prit la décision de participer, à sa manière, à la lutte pour
l’indépendance de l’Algérie. Malheureusement, beaucoup de ceux qui
ont connu le psychiatre au travail sont décédés et ne peuvent plus
servir de guides à la visite. Exemple parmi d’autres : il n’y a
plus le chanteur Abderrahmane Aziz qui était chargé des activités
culturelles - concert de chants, pièces de théâtre, ciné-club.
Ces activités étaient animées par les
malades, eux-mêmes. Ils constituaient l’orchestre, la chorale, la
troupe de théâtre, discutaient des films pendant les séances-débats,…
Ils formaient des équipes de football qui disputaient des compétitions
sur un vrai stade. C’est ainsi qu’ils guérissaient. Les chaînes
n’étaient déjà plus qu’un très mauvais souvenir.
M’hamed Rebah
L'Expression 14
septembre 2004
Un pur produit de la Révolution
Il a marqué le XXe siècle de l’Algérie par sa pensée et son
action.
«Psychiatre et écrivain martiniquais, il s’était joint à
nous dans notre combat libérateur, pour le triomphe du droit à la
liberté et à la justice. Ami personnel et compagnon de combat de
Fanon, je me dois de témoigner sur l’homme et sur le militant, de lui
rendre hommage et de participer ainsi à enrichir notre histoire,
d’autant que nous sommes aujourd’hui à quelques semaines de la célébration
du 50e anniversaire du déclenchement de notre révolution».
C’est avec ces mots du président de la
République, lus par M.Abdelkader Khomri, président du Groupe presse et
communication, que fut ouvert dimanche le colloque sur la vie et
l’oeuvre de Frantz Fanon. Olivier Fanon, Rédha Malek, Vergès ,
Khomri ainsi que nombre de révolutionnaires et psychanalystes étaient
tous présents afin de rendre hommage à ce grand penseur, visionnaire
mais aussi révolutionnaire. «Frantz Fanon est le produit de la Révolution,
50 ans après, son message est toujours présent. Il avait une vivacité
d’esprit peu commune et il voulait intégrer complètement l’Algérie,
la cause des Algérien, était devenue la sienne quand il a commencé à
soigner les prisonniers à l’hôpital de Blida» a déclaré Rédha
Malek. M.Khomri nous présenta la biographie de ce révolutionnaire.
Frantz Fanon est né à Fort-de-France le 20 juillet 1925. Médecin
psychiatre, écrivain, combattant anti-colonialiste, Frantz Fanon a
marqué le XXe siècle de l’Algérie par sa pensée et son action, en
dépit d’une vie brève frappée par la maladie. Frantz Fanon fit ses
études supérieures à la faculté de médecine de Lyon et fut nommé,
en 1953, médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de Blida. Il avait
déjà publié, en 1952, Peaux noires, masques blancs. En 1956, deux ans
après le déclenchement de la guerre de Libération nationale en Algérie,
Frantz Fanon choisit son camp, celui des colonisés et des peuples
opprimés. Il remet sa démission de son poste à l’hôpital et
rejoint le FLN en Algérie.
«Il eut d’importantes responsabilités
au sein du FLN» témoigne M.Rédha Malek. Membre de la rédaction
de son organe central, El Moudjahid, il fut chargé de mission auprès
de plusieurs Etats d’Afrique noire puis ambassadeur du Gouvernement
provisoire de la République algérienne (GPRA) au Ghana. Il échappa à
plusieurs attentats au Maroc et en Italie. «Jusqu’à sa mort, Frantz
Fanon s’est donné sans limites à la cause des peuples opprimés».
Il s’éteint à Washington le 6 décembre
1961, à l’âge de 36 ans, des suites d’une leucémie et est inhumé
au cimetière des Chouhadas de Tunis.
Les damnés de la Terre était
entre autres au centre du débat. Au moment où certaines archives
demeurées longtemps secrètes de la guerre d’Algérie s’ouvrent
enfin et que les historiens font éclater de part et d’autre la vérité
sur un conflit qui n’a pas encore révélé ses aspects les plus
sombres, ce «classique de la décolonisation», publié pour la première
fois en 1959 et sans cesse réédité jusqu’aux années quatre-vingt,
connaît une nouvelle actualité. Ce livre est né de l’expérience
accumulée au coeur du combat, au sein du FLN. Car Frantz Fanon avait
choisi de vivre et de lutter parmi des colonisés comme lui, en Algérie,
pays du colonialisme par excellence. Texte militant, cet ouvrage fut
aussi la première analyse systématique de la transformation qui s’opérait
alors au sein du peuple algérien engagé dans la révolution. Ce texte,
parmi les tout premiers aux Éditions Maspero, décrit de l’intérieur
les profondes mutations d’une société en lutte pour sa liberté. Ces
transformations, la maturation politique et sociale, ignorées par les
colons alors qu’elles étaient justement les fruits de la colonisation
et aussi «l’humiliation, présidèrent pourtant largement au système
colonial et son projet utopique d’un tiers-monde révolutionnaire
porteur d’un «homme neuf» restent un grand classique du
tiers-mondisme, l’oeuvre capitale est le testament politique de Frantz
Fanon».
Frantz Fanon, cet humaniste et militant
de toutes les causes justes, demeure indiscutablement le grand ami des
Algériens et l’un des symboles de la révolution à côté du grand
Maurice Audin, René Vautier et Henri Alleg. En réponse à tous ceux
qui contestaient le militantisme de Frantz Fanon, les annales de
l’histoire de l’Algérie démontrent décidément la
non-vraisemblance «des illusions» avancées.
H. OURTILANI
Info Soir 14
septembre 2004
«Un penseur visionnaire»
Par Yacine Idjer
Hommage : Sa vie et son œuvre intellectuelles ont été au
centre du Colloque international sur Frantz Fanon.
D’abord, et en ouverture, une
allocution de Abdelkader Khemri, président du comité d’organisation
du Salon du livre, est venue marquer cette première journée du
colloque.
«C’est un moment de mémoire et aussi
de débat et de convergence», dit-il ajoutant que «la pensée de Fanon
cristallise le fait et le concept du nationalisme en tant que réalité
évidente. Sa pensée est d’une telle intensité qu’il faut la dégager».
Un message du président de la République
rend un grand et vibrant hommage à l’un des enfants de la Révolution
algérienne.
La première journée du colloque a été
marquée par l’intervention de Olivier Fanon, fils de Frantz Fanon. «Je
suis ému d’être là, parmi vous, et je suis encore plus ému du fait
que ce colloque soit inscrit dans le cadre de la commémoration du 50e
anniversaire du déclenchement de la Révolution», confie-t-il.
Et d’ajouter : «Mon père était un
penseur visionnaire ; il a fait une rupture radicale avec la France
parce qu’il a pris conscience de l’inégalité qui existait entre le
colonisateur et le colonisé, il a compris que le colonisé ne pourra
jamais s’assimiler à l’autre, il s’est fait donc Algérien en
rejoignant la Révolution, parce qu’il a cru en elle, car elle était
le lieu du combat pour la liberté. Mon père a épousé la cause algérienne,
et l’Algérie le lui a bien rendu en le nommant ambassadeur itinérant
d’Algérie à travers le monde.» «Je suis modestement dans la
continuité de la pensée de mon père, je suis Algérien et je
travaille à l’ambassade d’Algérie en France», confie-t-il.
La séance s’est poursuivie avec
l’intervention de Réda Malek qui a été un proche compagnon de
Frantz Fanon. Au cours de son intervention, il a rendu compte de ces
souvenirs, étroitement liés à Frantz Fanon.
«Fanon était un révolutionnaire au
plein sens du terme, il faisait partie des forces libres», dira-t-il.
«Il était sensible à la condition algérienne, il s’était mis à
s’y intéresser et il a constaté que pour que l’Algérien, donc le
colonisé parvienne à accéder à sa liberté et à sa dignité en
s’affranchissant de la pesanteur du colonialisme, il fallait mettre
fin au système». Selon l’intervenant, Frantz Fanon, pour approfondir
ses connaissances sur la Révolution qui commençait, l’a aussitôt
rejointe. «La Révolution algérienne a su accueillir Frantz Fanon», déclare-t-il.
Et d’insister sur le fait que Frantz Fanon était un enfant de la Révolution,
et que celle-ci était ouverte à tout le monde, et sur l’universalité.
«La Révolution n’avait pas de frontières, et 50 ans après, elle se
poursuit, la mémoire et la pensée de Fanon se perpétuent»,
conclut-il. Le colloque se poursuit aujourd’hui.
Y. I.
El Moudjahid 14
septembre 2004
L’écriture pour aider la libération des peuples
Les travaux du colloque international sur Frantz Fanon se sont
poursuivis hier à l’hôtel Hilton en présence des nombreuses
personnalités nationales et internationales ayant un lien direct, parce
qu’ils l’ont côtoyé de très près durant son parcours, ou des
attaches indirectes à travers leurs écrits sur la personnalité, son
œuvre et son combat.
Le médecin, l’écrivain et le
compagnon de lutte, Mme Alice Cherki, a évoqué hier lors de son
intervention, levant le voile sur la personnalité et l’action de
Fanon en tant qu’écrivain, psychiatre, penseur et révolutionnaire
pour construire le personnage qu’elle qualifie d’éveilleur de
conscience.
Dans tous ces aspects compartimentés qui
renforcent l’unité de l’action de Frantz Fanon, Mme Cherki nous
renvoie à la dimension universelle de la lutte pour «la désaliénation
de la société et de la libération de soi de façon responsable et
moderne» élaboré autour «du sentiment tragique de la vie» par
Fanon, âgé alors de 25 ou 26 ans qui a compris que «seule la lutte
organisée pouvait conduire la nation en mouvement (Algérie) à se libérer
et devenir indépendante face au système colonialiste».
«Très attentif aux autres, très proche
de l’inconscient, se souvient Alice Cherki, Fanon aimait former les
jeunes. Sa pensée qui reste d’actualité accompagne notre époque où
l’on a érigé la violence pour intégrer les Etats à la
mondialisation».
L’auteur des Damnés de la terre qui a
introduit à son combat l’écriture pour aider à libérer les peuples
a réparti les maux du corps les conjuguant aux mots du cœur dans des récits
à transmettre aux autres.
Un autre homme au destin similaire à
Frantz Fanon, s’est déplacé à Alger pour apporter son témoignage
tant l’itinéraire est similaire. Ils sont nés tous les deux en 1925,
nés dans des départements d’outre-mer, l’un en Martinique,
l’autre à la Réunion et se sont totalement et foncièrement engagés
dans la Révolution algérienne et le mouvement de libération des
peuples. Il s’agit de Frantz Fanon et de Jacques Vergès. En 1940, ils
avaient 15 ans, interloqués par la victoire du racisme allemand, ils
s’engagent dans les Forces de France Libre à 17 ans et en 1945 «on
nous dit que le mot indépendance c’est bien pour les Européens et
pas pour les autres», s’offusque Me Jacques Vergès, citant «la répression
de Sétif et Guelma, ce qui nous ouvre les yeux». Autre similitude, Me
Vergès constate «qu’en 1957, lorsque la bataille d’Alger a éclaté,
Fanon rejoint Tunis et moi, je rejoins Alger pour reconstituer le
collectif d’avocats après l’arrestation de tous les avocats algériens
: nous avons la même attitude de rupture à l’égard de la manière
de penser colonialiste. Autrement dit le problème algérien n’est pas
français-français mais bien universel et le résistant algérien a le
droit de lutter. Sa violence est justifiée contrairement à elle du
colonisateur».
Après un moment d’émotion, Me Vergès
reprend la parole pour noter que «nous essayons, chacun de son côté,
d’intéresser l’opinion mondiale du combat de l’Algérie pour
l’efficacité. Les responsables du FLN m’ont confié alors des
causes difficiles où j’ai pu défendre des clients condamnés à
mort. Aucun n’a été exécuté».
Me Jacques Vergès, apporte sa
contribution à la compréhension de Frantz Fanon, estimant que «son
message reste toujours d’actualité au regard de ce qui se passe dans
le monde, en Palestine où en ce moment un enfant palestinien est tué
à Ghaza, Ramallah ou Naplouse» avant d’ajouter que parler de ce
regain de violence et de barbarie pour régenter l’univers entier en
engageant des guerres sur des mensonges ou des droits de l’homme».
Heureusement nous avons ceux qui résistent, démontrant que la force
matérielle ou l’argent ne peuvent pas gouverner le monde mais bien le
courage des hommes».
Les travaux du colloque se sont
poursuivis à travers un débat passionnant ayant permis aux
participants de mieux cerner la personnalité et la philosophie de
Frantz Fanon tout en élaborant les ébauches d’une humanité expurgée
des mises en scènes et des formes de violence à l’orée de la fin
des idéologies et l’intrusion de la notion universelle.
Houria A.
La Nouvelle République
13 septembre 2004
Ouverture du colloque sur Frantz Fanon
Hommage au révolutionnaire
«Frantz Fanon est à coup sûr le symbole le plus fécond de la
dimension internationale de la Révolution algérienne et de la nécessaire
recherche de pistes innovantes ouvrant la voie à un mouvement de
modernité humaniste»
En marge du Salon international du livre
d’Alger qui se tient cette année sous le signe de la commémoration
du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution algérienne, un
colloque international consacré à Frantz Fanon (1925-1961), s’ouvre
aujourd’hui à l’hôtel Hilton. Il est attendu parmi les
participants, Alice Chekri, psychiatre et psychanalyste, une spécialiste
émérite qui a longuement travaillé avec l’auteur des Damnés de la
terre et milité aussi à ses côtés, dans les rangs du FLN combattant.
On évoque également en plus de la présence active de la biographe «officielle»
du grand penseur noir Fanon, la présence de ses amis à l’image de
Jacques Vergès ainsi que des époux Chaulet. On parle également de
Benjamin Stora, Hervé Bourges et Alexandre Adler. Quant à Fakhri Karim
Ahmad, le président du conseil irakien pour la paix et la solidarité,
ce dernier saisira cette tribune afin de délivrer (nous l’espérons
!) un message sans nuances. Le propre fils de Fanon, Olivier sera lui
aussi de la partie ici même à Alger, la ville de son enfance.
Au lendemain du colloque, un autre
hommage sera rendu à Fanon au café littéraire (pavillon central de la
Safex) où interviendra mardi une nouvelle fois Alice Chekri en
compagnie de Mustapha Haddab, un sociologue qui abordera en ce qui le
concerne «La violence et l’histoire chez Fanon», Thanina Maougal,
enseignante et Okba Natahi, psychanalyste. Le jour même en fin d’après-
midi, il y aura la projection du film de Zahzah consacré à Fanon suivi
d’un débat avec le professeur Ridouh.
A. A
Liberté 13
septembre 2004
Colloque sur Frantz Fanon
Le visionnaire militant
Par Wahiba Labrèche
Au delà de son aspect commercial qui connaît une affluence considérable
au regard des longues processions de visiteurs devant les centaines de
stands investis par les exposants et maisons d’édition, le 9e Sila réserve
une place appréciable aux rencontres culturelles et cafés littéraires
où le public peut apprécier des auteurs que seules leurs œuvres ont
pu faire connaître et découvrir.
Placé dans le contexte de la célébration
du 50e anniversaire de la lutte de libération, et notamment en hommage
à Frantz Fanon, figure emblématique du combat libérateur des peuples,
le 9e Sila marque, à partir d’aujourd’hui, un tournant dans son déroulement
avec l’ouverture, ce matin, à l’hôtel Hilton, du colloque
international sur Frantz Fanon.
Aussi, la dimension culturelle, qui est
imprimée à ce salon international du livre qu’abrite la capitale,
tout en le situant comme un forum culturel et de pensée, d’échanges
et de rencontres conviviales entre les grands noms de la littérature et
de la pensée arabe et occidentale, alliée à l’histoire algérienne,
invite de fait à la découverte de l’autre.
Les cafés littéraires qui sont organisés
au pavillon central, retiennent l’attention tant ils constituent le
support de cette dimension culturelle. En organisant des conférences,
jeudi, sur l’émir Abdelkader “résistant et humaniste”, animées
par l’ancien ministre, Mustapha Chérif, vendredi, sur l’ordre
international en 2005, l’après-Irak, par Pascal Boniface, directeur
de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS)
France, hier sur les langues métisses ou les mots voyageurs par Daniel
Maximin et Marie Treps ou aujourd’hui à 14h sur la préservation du
patrimoine et architecture en Algérie par André Ravereau, le 9e Sila
participe à cet effort considérable de consolider la culture nationale
tout en l’ouvrant sur l’universel par des dialogues et des échanges
féconds.
Parallèlement à ce volet important, le
9e Sila propose quotidiennement des séances de ventes-dédicaces de
livres en présence de leurs auteurs, et tous les stands tentent, par ce
procédé, de drainer les publics variés de cette manifestation
culturelle et particulièrement les jeunes qui ont eu le privilège des
organisateurs puisqu’un salon national, le premier, leur est réservé
parallèlement au Salon académique.
Les stands réservés au salon national
des jeunes et des enfants, qui sont répartis entre les ailes du
pavillon central et sa “mezzanine”, ne sont certes pas tous fournis
d’ouvrages.
Mais ils ont cet avantage de contenir
assez de choses que les parents peuvent offrir à leurs enfants en vue
de réhabituer la société dans cette noble tradition qui a beaucoup décliné
quand nos parents à nous nous offraient des livres de lecture pour développer
le goût et inciter à la découverte du livre le tout nouveau livre
acquis ou lu avant les autres.
“Mais c’est un bon début”, note,
Mme Saloua Annani, l’une des animatrices de cet espace jeunesse avant
qu’un responsable d’un autre stand jeunesse renchérisse :
“l’effort particulier de certains parents et des associations
civiles en procédant à l’offre de livres pour lecture aux enfants
lors des cérémonies ou réussites d’examen peut participer au développement
du goût pour la lecture extra-scolaire.
Houria Akram
El Moudjahid 12
septembre 2004
En marge du 9e SILA
Le colloque international sur Frantz Fanon s’ouvre ce matin au Hilton
Par Wahiba Labrèche
Après avoir rendu hommage l’année dernière au grand poète
romancier algérien Mohammed Dib, la 9e édition du Salon international
du livre d’Alger est consacrée au militant intellectuel Frantz Fanon,
une des figures de proue de la révolution algérienne qui a combattu
par sa plume et sa profession de psychiatre pour l’indépendance de
l’Algérie.
L’hommage organisé à la veille du 50e
anniversaire du 1er Novembre 1954, dont les travaux ont commencé hier
matin à l’hôtel Hilton, se veut un signe de gratitude et de
reconnaissance au dévouement du psychiatre qui a adhéré entièrement
à la cause algérienne. En présence de son fils Olivier Fanon, les
travaux de la première journée du colloque ont regroupé un grand
nombre d’amis et compagnons du psychiatre militant, dont Claudine et
Pierre Chaulet, Jacques Vergès, Rédha Malek, la psychanaliste Alice
Chekri, ainsi que des historiens et romanciers Abdelkader Djaghloul, Lyès
Boukraâ, Yasmina Khadra, Abderazak El-Hamami, Cheikh Bouamrane.
Lors de son intervention
d’inauguration, Abdelkader Khomri, président du comité
d’organisation du 9e Sila, rappellera l’importance de cet hommage dédié
au psychiatre écrivain qui, par sa profession de psychiatre et son œuvre,
a porté la cause algérienne, mais aussi les besoins des peuples de
disposer de leur sort au-delà des frontières algérienne et
d’Afrique.
Le P-DG de l’Anep a lu, pour
l’occasion, la lettre du président de la République “Ami personnel
et compagnon de combat de Fanon”, dans laquelle il apporte son témoignage
sur l’homme et le militant qu’était Fanon.
“Par bien de ses aspects, cet homme émergeait
de l’ensemble de ses contemporains par ses valeurs humaines et sa
capacité à fusionner des volontés contradictoires, et dont l’enjeu
historique n’était autre que la liberté d’un peuple.”Olivier
Fanon insistera, quant à lui, sur l’engagement de son père dans le
combat pour l’indépendance de l’Algérie. “Sur l’affiche, il
est écrit Frantz Fanon, le penseur visionnaire. Mais il était avant
tout un actionnaire militant. Il était algérien par choix et je le
suis aussi même si je vis en France”, dira Olivier Fanon. Rédha
Malek et Louisette Ighilahriz évoqueront, chacun de son côté,
l’apport de Fanon au combat algérien et surtout, insiste Louisette,
le soutien et la force qu’a suscités Fanon chez les moudjahidine
prisonniers. Les travaux du colloque se sont poursuivis dans l’après-midi
par les témoignages de Claudine et Pierre Chaulet, Jacques Charby, Hervé
Bourges et maître Jacques Vergès.
W. L.
La Tribune 12
septembre 2004
Hommage à Frantz Fanon
Par Yasmina Belkacem
Le 9ème Salon international du livre d’Alger (SILA), qui s’est
ouvert mercredi dernier, consacre cette année une figure majeure de
l’engagement en faveur de l’indépendance de l’Algérie. Après
avoir célébré, l’an dernier, la mémoire du romancier et poète algérien
Mohamed Dib, le SILA est dédié, dans sa neuvième édition, à Frantz
Fanon, psychiatre, intellectuel, écrivain et militant pour la liberté
des peuples. Un hommage qui débutera aujourd’hui dans les murs de
l’hôtel Hilton, et qui se poursuivra sur deux jours à la salle de
spectacles de la Safex. Cette rencontre, qui se tient en présence du
fils, Olivier Fanon, prend les allures d’un colloque international et
verra la participation de plusieurs intervenants d’ici et d’ailleurs
tels que la psychanalyste Alice Cherki, l’historien spécialiste de la
révolution algérienne Benjamin Stora, le sociologue Mustapha Haddab ou
le jeune réalisateur Abdenour Zahzah, auteur d’un film documentaire
sur Frantz Fanon. Ce colloque, qui vient pallier les oublis et autres négligences
commises à l’encontre de ceux qui ont lutté aux côtés des Algériens
pour leur dignité et leur indépendance, coïncide également avec le
50ème anniversaire du déclenchement de la guerre de libération. Une
coïncidence qui explique en partie le choix fait autour de Frantz Fanon
qui représente «le symbole le plus fécond de la dimension
internationale de la révolution algérienne et de la nécessaire
recherche de pistes innovantes ouvrant la voie à un mouvement de
modernité humaniste». Martiniquais de naissance, Frantz Fanon est né
à Fort-de-France le 25 juillet 1925. Elève d’Aimée Césaire
–l’un des chantres de la négritude avec le Sénégalais Senghor- il
empruntera d’autres voies de réflexion et d’émancipation et
marquera par la suite le XXème siècle par sa pensée et son
action.Ayant opté pour des études de médecine, Frantz Fanon se spécialise
en psychiatrie et se retrouve, en 1953, nommé médecin en chef de l’hôpital
psychiatrique de Blida, qui porte aujourd’hui son nom. Cette année de
mutation sera celle aussi de son engagement aux côtés du Front de libération
nationale. Expulsé des terres algériennes, il poursuit sa lutte depuis
la Tunisie. En dépit d’une vie brève, écourtée par la maladie,
Frantz Fanon sera multiple et prolifique. Médecin psychiatre, militant
pour l’indépendance des peuples, psychanalyste du colonialisme, théoricien
de la révolution et écrivain.Il laisse derrière lui une bibliographie
des plus intéressantes pour comprendre la révolution algérienne et
les soubresauts du continent africain. Les Damnés de la terre, Peau
noire, Masques blancs, Sociologie d’une révolution ou l’An V de la
révolution algérienne. Une littérature qui demeurait incontournable
pour les intellectuels du tiers-monde. Atteint d’un leucémie, Frantz
Fanon décède dans un hôpital à Washington le 6 décembre 1961 à
l’âge de 36 ans. Sa dépouille ou son âme repose à El Tarf,
nettement à l’est du cimetière El Alia.
Y. B.
Le Jeune Indépendant
11 septembre 2004
9e Salon international du livre
Un hommage sera rendu à Frantz Fanon
par R.C
La 9e édition du Salon international du livre, qui se tient à la
Safex, aux Pins maritimes à Alger, jusqu’au 18 septembre prochain, a
été dédiée à Frantz Fanon, intellectuel et militant de la guerre
d’indépendance algérienne. A cet effet, un colloque international
lui sera consacré les 12 et 13 septembre 2004 à l’hôtel Hilton, et
auquel des personnalités internationales participeront.
On compte parmi les invités Alice
Cherki, psychanalyste et biographe de Frantz Fanon, Mustapha Haddab,
sociologue, Thanina Maougal, enseignante, et Okba Natahi, psychanalyste.
Dans son célèbre livre les Damnés de la terre, il écrit : «Ne
perdons pas de temps en stériles litanies ou en mimétismes nauséabonds.
Quittons cette Europe qui n’en finit
pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le
rencontre [...] Pour l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité,
camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve,
tenter de mettre sur pied un homme neuf».
Né en 1925 à Fort de France en
Martinique, Frantz Fanon est élève d’Aimé Césaire au lycée
Schoelcher. Alors que la France est occupée, il rejoint la Résistance
en Dominique. Blessé et incarcéré en Allemagne, il est décoré à la
fin de la guerre.
Il gagne ensuite la France pour suivre
des études de médecine à Lyon. Puis il se spécialise en psychiatrie
et écrit en 1950 un essai Peau noire, Masques blancs dans lequel il
observe les répercussions pathologiques du racisme sur l’inconscient.
«Je n’arrive point armé de vérités
décisives. Ma conscience n’est pas traversée de vérités décisives.
Cependant, en toute sérénité, je pense qu’il serait bon que
certaines choses soient dites. Ces choses, je vais les dire, non les
crier, car depuis longtemps le cri est sorti de ma vie».
Toujours méfiant à l’égard de toutes
les formes de nationalisme (qu’il juge trop facilement corruptible),
Fanon parvient à rassembler, au-delà des clivages raciaux, un milliard
et demi d’hommes marginalisés par la prospérité égoïste et
hautaine de l’Occident.
S’il préfère l’analyse
tiers-mondiste au concept de la «négritude», Fanon n’en demeure pas
moins un révolutionnaire. Il s’engage en Algérie à partir de 1953
en luttant avec le FLN. Médecin-chef à la clinique psychiatrique de
Blida, expulsé par les autorités françaises, il se réfugie en
Tunisie, d’où il poursuit son combat.
Il meurt en 1961 à Washington d’une
leucémie, après avoir écrit les Damnés de la terre. Ce psychiatre et
militant tiers-mondiste est mort à la vieille de l’indépendance algérienne
pour laquelle il lutta. Le 9e Salon du livre qui rend hommage à ce
grand homme s’ouvre également à différentes activités culturelles.
Des rencontres avec des écrivains sont
programmées ainsi que des ventes-dédicaces et des débats. Des
hommages seront également rendus à l’émir Abdelkader et autres
personnalités et intellectuels algériens.
B. R.
Info Soir 9
septembre 2004
Frantz Fanon
La pensée de la liberté
Par Yacine Idjer
Un hommage sera rendu à la pensée et à la lutte de Frantz Fanon
lors du 9e Sila.
Désormais, chaque année, le Salon
international du livre d’Alger (Sila) sera dédié à un personnage
qui a marqué, par ses écrits, sa pensée, donc par son esprit
intellectuel, son temps et le monde de la culture, notamment l’univers
littéraire. L’année dernière, le 8e Sila était dédié à Mohammed
Dib ; cette année, il sera entièrement consacré à Frantz Fanon.
Il est à rappeler que le 9e Sila coïncidera
avec la célébration du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution
de Novembre 1954. Et comme Frantz Fanon est un personnage qui a vécu
une grande partie de sa vie en Algérie, il a épousé la cause algérienne.
Effectivement, Frantz Fanon est connu
pour son anticolonialisme ; c’est pour cette raison qu’il a adhéré
à la Guerre de libération nationale. Il l’a nourrie par sa pensée
et ses réflexions, donc par son militantisme.
Frantz Fanon est d’origine
martiniquaise, mais il est peu connu dans son pays, car il a passé
l'essentiel de sa vie de militant dans sa terre d'adoption : l'Algérie.
Il est né à Fort-de-France le 20
juillet 1925. Il est mort à Washington, le 6 décembre 1961, à l'âge
de 36 ans, des suites d'une leucémie et a été inhumé au cimetière
des Chouhada (Tunis). Psychiatre, écrivain, combattant
anticolonialiste, Fanon a marqué le XXe siècle par sa pensée et son
action, en dépit d'une vie brève frappée par la maladie.
Frantz Fanon fit ses études secondaires
au lycée Schoelcher, ses études supérieures à la faculté de médecine
de Lyon et fut nommé, en 1953, médecin-chef de l'hôpital
psychiatrique de Blida, en Algérie. Il avait déjà publié, en 1952,
Peau noire, masques blancs. En 1956, deux ans après le déclenchement
de la Guerre de libération nationale en Algérie, Fanon choisit son
camp, celui des colonisés et des peuples opprimés. Il démissionne de
son poste et rejoint le Front de libération nationale (FLN) en Algérie.
Il a d'importantes responsabilités au sein du FLN, et il est membre de
la rédaction de son organe central, El Moudjahid. Il est chargé de
mission auprès de plusieurs Etats d'Afrique noire, ambassadeur du
Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra) au Ghana.
Il échappe à plusieurs attentats au Maroc, en Italie.
Jusqu'à sa mort, Fanon s'est donné sans
limites pour la cause de la libération des peuples opprimés.
Frantz Fanon s’est illustré par une
pensée particulière qui s’inscrit dans la lutte des peuples opprimés
pour la liberté et la dignité humaine, pour l’égalité sociale et
le droit à l’existence sur la scène internationale. Sa pensée, le
«fanonisme», se définit par ce combat continuel visant la restitution
de la nation au peuple, un combat qui ne concernait pas seulement la libération
de l'homme noir ou du colonisé, mais cette lutte incessante pour libérer
l'homme et l’inscrire dans un intellectualisme constructif.
Frantz Fanon cherchait, et c’était une
quête continuelle, à faire «peau neuve, développer une pensée
neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf». Son combat est
toujours d'actualité, il s’agit d’une pensée intemporelle et
universelle au moment où l’on assiste à «la montée des intégrismes
de tous bords, dans un monde d'inégalités où le fossé se creuse
entre riches et pauvres, entre nantis et démunis».
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