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Médecins et talebs |
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Il s’agit donc de deux „praticiens“ auxquels recourt la population oasienne. Fait exceptionnel ici : ce n’est pas l’appartenance à une classe sociale qui détermine le choix du « guérisseur ». (…) Ce ne sont pas seulement les classes aisées et moyennes qui consultent le médecin. De même, ce ne sont pas exclusivement les pauvres qui rendent visite au cheikh. Le clivage ici n’est ni social, ni économique. Il est essentiellement culturel. Une sorte de partage des compétences est assigné par la civilisation traditionnelle du groupe à la médecine moderne et au pouvoir du taleb. Celle-là se voit reconnaître la compétence technique dans le domaine chirurgical et dans la thérapeutique médicale organique. En d’autres termes, dès qu’il s’agit d’une pathologie affectant l’anatomie, le corps physique, d’un traumatisme de « l’enveloppe » humaine, l’hôpital est sollicité. Mais les maladies mentales, ou psychosomatiques qui déstabilisent tant soit peu le psychisme humain, sont du ressort du taleb. Car lui seul détient, aux yeux du groupe, la clé charismatique de l’énigme. Pour beaucoup d’oasiens encore, le démon (djinn) est responsable des troubles psychiques et même de bien des maladies nerveuses. Ainsi l’épilepsie est-elle plus volontiers soumise au taleb qui utilise, selon les cas, les techniques douces ou la méthode forte. Les premières se ramènent à l’amulette qui se veut à la fois préventive et curative. En effet, la prophylaxie n’est pas délaissée par marabouts et shamans. Le patient, dans ce cas, porte sur lui les versets supposés éloigner le démon. Mais il arrive que ce dernier soit récalcitrant. Le taleb use alors de violence. Les narines du « possédé » sont brûlées avec force menace à l’aide d’un chiffon en flammes et un dialogue – toujours trop long pour le patient – s’ensuit entre le traitant et l’indésirable « possédant » … L’intérêt ici est dans le fait que les oasiens se réfèrent encore à des schémas culturels qui ne sont pas nécessairement conformes à l’enseignement islamique. La croyance populaire a souvent vite fait d’infléchir sa foi dans un sens magico-religieux. Le taleb officie de préférence chez lui. |
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