Un lieu de prédilection pour la rencontre des petits métiers oasiens demeure le marché hebdomadaire du mardi. Sur la place des Martyrs, ex-place du colonel
Pein,
se croisaient il y a encore une décennie, une fois par semaine, les activités les plus
diverses. Le barbier dont l’équipement était rudimentaire (une tondeuse, un rasoir, une paire de ciseaux, une bretelle en cuir pour aiguiser son rasoir), rasait la barbe et la tête de ses clients. Il lui arrivait de se dédoubler aussi en « soigneur » puisqu’il pratiquait la saignée et posait les ventouses. Ces deux techniques étaient censées soulager plusieurs affections : vertiges, nausées, rhumatismes, etc. Le vendeur de plantes médicinales était le pendant du barbier et du taleb, pour ne pas dire leur pharmacien. Il proposait aux oasiens une flore variée puisée partiellement dans la steppe du Hodna et les monts des O.Nail : bruyère, alfa, armoise, clous de girofle, thym, romarin, feuilles d’eucalyptus, goudron végétal (guetran), etc. Le triptyque médical était complet avec le dentiste d’antan. Celui-ci ne soignait évidemment pas les dents, il les arrachait. Equipé d’une petite pince évoquant davantage la tenaille que les instruments stomatologistes, il placait la tête du client entre ses genoux, casait bien la dent incriminée dans la fourche de sa pince et, sans anesthésie aucune, l’extrayait sans éviter toujours une forte hémorragie. Le meddah était une de ces curiosités culturelles les plus recherchées du marché de Bou-Saada. Nous avons eu l’occasion un jour, sur la place des Martyrs, d’enregistrer pendant plus d’une heure un troubadour bou-saadi : Il ne s’est pas répété une seule fois. Les poèmes chantés traitaient non pas des
Hilaliens pour une fois, mais d’Aicha, l’épouse du Prophète. Un cercle se forme toujours autour du meddah : la densité du premier est un indicateur du talent du second. Un bon trouvère traditionnel peur rassembler autour de lui jusqu’à 200 personnes dont plus de la moitié donnent la pièce. Le libraire ambulant offrait toutes sortes de publications,
en arable surtout. Livres d’érudition juridique, corans, traités de médecine traditionnelle, images pieuses représentant les compagnons du Prophète ou des personnages bibliques, calendriers, etc. Une gamme de livres hétéroclites prouvant souvent, par leur manque d’agencement et leur dissemblance, que le libraire n’était pas vraiment du métier. Le vendeur de sel était lui aussi une curiosité du marché de Bou-Saada. Commerce peut rentable, s’il en fut, il était néanmoins exercé avec conviction. Les mérites de la marchandise étaient parfois chantés en formules rimées, ce qui attirait mieux les clients. Le cafetier de plein air, faisait déguster, quant à lui, le café et le thé sur la place du marché. On pouvait voir le « kaouadji » aller et venir, un plateau chargé sur les bras, parmi les curieux et les chalands. Cordonniers, porteurs, gargotiers, vendeurs d’eau, de dattes, de légumes, d’ustensiles, d’insecticides, etc. La société traditionnelle opère à sa manière une division pragmatique du travail.
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