Bel-Abbas, le chasseur de vipères

in "Cultures Oasiennes", Youcef Nacib

Nasreddine Dinet - Le charmeur de serpents

Prophylactique et thérapeutique, la structure de santé doit pouvoir répondre à la pathologie ordinaire (maladies classiques, accouchements, traumatismes divers, etc.), mais aussi à des accidents plus typiquement locaux. L’exemple le plus notoire est la piqûre de vipère et de scorpion. Léon l’Africain signalait déjà : « Dans tous les terrains de Numidie, les serpents et les scorpions abondent. Leur piqûre et leur morsure tuent beaucoup de personne pendant l’été ». Déjà, au XIXe siècle, maints visiteurs de Bou-Saada eurent l’occasion d’y rencontrer un personnage célèbre dans l’oasis : le chasseur de vipères Bel-Abbas. De ce dernier, nous avons retrouvé aux archives de Vincennes une requête du 30 mars 1905 adressée au Général Commandant de la division d’Alger, demandant le réajustement de la prime que lui octroyait l’autorité locale de Bou-Saada pour la capture de vipères. Le document comporte ces précisions : « Depuis l’an 1881 que je suis après ce métier – j’ai chassé avec les médecins pour apprendre le métier, et 18 ans de chasse pour le gouvernement. Depuis 1887 jusqu’à 1896, la commune de Bou-Saada me donnait 500 Frs par an mais depuis ce temps-là jusqu’à présent, elle me donnait 200 Frs par an ... Celui qui a mis son cheval en course il lui a gagné 800 Frs dans un quart d’heure et moi que j’ai travaillé 24 ans pour le gouvernement et que j’étais mordu 3 fois par des vipères l’Etat ne m’a pas récompensé aucune fois... regardez les bienfaits que j’ai rendus aux habitants de Bou-Saada... ». 

La redoutable vipère du Sud peut surgir des sables quand on s’y attend le moins et fuser, semblable au missile sol-air, sur un cavalier ou un chamelier et le jeter à terre où elle le laisse froid. Mais l’autre ennemi de l’oasien demeure toujours le scorpion. Dans une communication (texte ronéoté) au Colloque de Ouargla tenu en avril 1984 et consacré à l’envenimation scorpionique en Algérie, le docteur M. Khiati, pédiatre à l’hôpital Parnet d’Alger, écrit à propos du scorpion : « La principale espèce dangereuse est représentée par l’Androctonus Australis Hector (scorpion tueur d’hommes) qui semble sévir particulièrement dans un espace compris entre Biskra, Bou-Saada et Ouargla (triangle de la Mort) ». Les nomades depuis toujours luttent contre les insectes en élevant des poules en grande quantité. En effet, la volaille est le meilleur prédateur du scorpion. Elle le chasse autour des tentes et ne lui laisse pas le temps de pénétrer sous la toile habitée.